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Analyse des feuilles de route pour la réduction des émissions de l'aviation
Les engagements pris par l'industrie aérienne sont-ils tangibles ?
Actuellement, l’industrie aéronautique est responsable de 2 à 3% des émissions de CO2 d’origine humaine, mais contrairement à de nombreux autres secteurs, celui de l’aviation n’a pas encore de solution technique pour décarboner. Des agences de l’ONU aux organismes industriels, plusieurs structures ont publié des feuilles de route pour la réduction des émissions. Nous allons décortiquer ces stratégies en prêtant une attention particulière aux leviers sur lesquels elles comptent miser ainsi qu'à leur impact potentiel, et nous examinerons également le problème souvent négligé des émissions autres que le CO2.
La crise sanitaire a mis un coup dur à l’industrie aéronautique. Du fait des restrictions de déplacement, les avions sont restés cloués au sol, les passagers mis à l’écart et la production s’est arrêtée. Alors que le troisième été placé sous le signe de la pandémie s'achève et que le pire semble être passé, la demande revient et la reprise semble être en bonne voie.
La crise a tout de même eu un effet positif : la baisse des émissions liées à l’aviation. Cet arrêt forcé a permis à l’industrie et aux régulateurs de prendre le temps de définir les défis auxquels fait face l’aviation en matière de durabilité (celle-ci représenterait 2 à 3% des émissions de carbone d’origine humaine en 2019), et de planifier un avenir plus vert. Ainsi, plusieurs feuilles de route ont été publiées, certaines exposant des moyens de limiter les futures émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’autres traçant une voie vers la neutralité carbone. Ces stratégies sont ici évaluées, avec une évaluation minutieuse de l’efficacité des leviers sur lesquels elles misent.
Des voies vers un avenir plus vert ?
Les émissions de CO2 du secteur aérien ont chuté pendant la pandémie. Aujourd’hui, elles demeurent bien en deçà des prévisions émises par Roland Berger avant la pandémie, malgré une légère hausse récente. Même avec un rebond prévu d’ici 2040, le niveau atteint devrait demeurer bien en dessous des prévisions pré-COVID. Les efforts déployés par l’industrie aéronautiques concernant la décarbonation, comme la possible utilisation de carburants durables (CAD) et de l’hydrogène en sont des facteurs clé, mais d'importantes émissions subsistent.
Les effets supposés du forçage radiatif dû aux émissions de GES autres que le CO2 sont encore plus importants. A l’instar du carbone, les émissions non-carbonées comme les NOx et les traînées de condensation participent au réchauffement de l’atmosphère et devraient être éliminés afin d’atteindre l’objectif zéro émission. Les dernières recherches, encore embryonnaires, suggèrent que l’impact global du forçage radiatif lié à l’aviation en prenant en compte à la fois les émissions carbone et non-carbonées pourrait être trois fois supérieur à celui du carbone.
Produites par des groupes industriels, des régulateurs et des tiers, les feuilles de route cherchent à résoudre le problème des émissions liées à l’aviation, et ne se penchent généralement que sur la décarbonation, en invoquant le manque de preuves scientifiques pour justifier leur omission du traitement des émissions non-carbonées . Ci-dessous une brève description des feuilles de route évaluées.
De manière générale, les feuilles de route se concentrent sur les mêmes leviers de décarbonation : améliorations des infrastructures et opérationnelles, développement de la technologie aéronautique (électriques, à hydrogène, etc.), adoption des SAD et utilisation de mesures basées sur le marché (compensation, échange de droits d'émission, etc.). Toutefois, chacune adopte une vision différente des futures technologies, des carburants et des marchés, et chacune applique ces leviers à divers degrés.
Les feuilles de route peuvent être divisées en deux catégories, en fonction de l'effort nécessaire pour les mettre en œuvre - et évidemment en fonction des systèmes de croyance qui les sous-tendent. Les premières sont les feuilles de route de l'art du probable, qui présentent des voies réalistes pour réduire de manière drastique les émissions liées à l'aviation, et se concentrent sur les mesures basées sur le marché et la compensation. Les secondes sont les feuilles de route de "l'art du possible". Elles exposent des stratégies radicales et optimistes qui permettraient au secteur de l'aviation de contribuer de manière significative à la lutte contre le changement climatique, en s'appuyant largement sur les CAD et les nouvelles technologies. Cela nécessite une montée en puissance d'au moins un levier de décarbonation.
La mise en œuvre des feuilles de route de l'"art du probable" est basée sur des attentes établies ou consensuelles, mais demeure un défi. Les feuilles de route de l'"art du possible", quant à elles, sont plus ambitieuses et plus incertaines, car elles dépendent de la rapidité et du succès de développement des nouvelles technologies, ce qui fait de leur mise en œuvre un réel défi.
Probable ou possible ?
Les feuilles de route auront-elles un impact réel sur les émissions de carbone ? Dans la catégorie de l'"art du probable", les feuilles de route conduisent toutes à une stabilisation des émissions nettes de CO2, généralement vers 2040. Elles prévoient pour 2050 un niveau d'émissions compris entre 66 % et 160 % des émissions de CO2 de 2019. Cela signifie que, dans chaque cas, une grande partie d'émissions non atténuées subsiste (entre 39 % et 64 % selon la feuille de route). Toutes les feuilles de route de cette catégorie prévoient que ces émissions devront être mesurées par le marché et/ou la compensation, ce qui en fait le principal levier de décarbonisation (les CAD étant la principale alternative).
Pour les feuilles de route de l'"art du possible", l’horizon 2050 est beaucoup plus optimiste. Les émissions prévues représentent entre 0 et 21% des émissions de CO2 du niveau de 2019. La répartition des leviers de réduction des émissions met en évidence le rôle primordial des CAD (OACI, Waypoint 2050) et des améliorations technologiques des avions (Destination 2050, Roland Berger) pour parvenir à ces réductions, sans avoir besoin de recourir à des mesures basées sur le marché ou des compensations.
Enfin, c'est bel et bien la viabilité commerciale qui déterminera le levier le plus efficace. Le rôle de la réglementation et des mandats est limité, et les avancées technologiques n'offrent pas suffisamment de garanties pour être viables dans un secteur aussi spécialisé. Quels que soient les leviers, tous les auteurs de feuilles de route pour la réduction des émissions devront mettre davantage l'accent sur les effets climatiques des GES non-carbonés. Ceux-ci sont susceptibles de contribuer de manière conséquente au réchauffement climatique, et l'industrie aéronautique les ignore à ses risques et périls.
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