Alors que le monde traverse actuellement une crise sanitaire d’une ampleur inédite dans nos sociétés globalisées, nous livrons notre analyse sur les implications macroéconomiques de la situation, secteur par secteur, à court, moyen et long terme.

Le confinement de près d’un tiers de la population mondiale lié à l’épidémie de coronavirus entraîne un choc global sur l’économie, qui aura des implications macroéconomiques en France et qui nécessitera des actions ciblées de la part des pouvoirs publics.

Nous nous sommes intéressés aux conséquences de cet impact en France, depuis la gestion de crise jusqu’à l’avènement d’un « New Normal », à commencer par les secteurs les plus touchés :

• Le secteur de la distribution alimentaire

Les consommateurs favorisent l’utilisation du digital (+161% de trafic) en utilisant les drives ou la livraison pour ne pas avoir à se rendre en magasin. Ces derniers subissent un choc d’approvisionnement pour les produits d’importation et se rabattent sur des approvisionnements locaux. Enfin, L’incertitude des consommateurs les poussent à se réfugier vers des prix attractifs proposés par les discounters. Ces nouveaux modes de consommation devraient aboutir à un scénario « New Normal » qui favorisera le drive, la livraison à domicile, la consommation locale et les discounters. Les grandes enseignes qui pourront assurer l’approvisionnement pendant le confinement sortiront gagnantes de la crise grâce à un regain de confiance de la part des consommateurs. L’alimentaire en ligne qui représente aujourd’hui 3 % de l’ensemble des achats alimentaires pourrait atteindre 6% de cet ensemble. Enfin, les discounters Aldi et Lidl pourraient voir leurs parts de marché s’accroître à long terme pour passer de 8% à 10-12%.

• Le secteur de la distribution non-alimentaire

Les consommateurs n’ayant aujourd’hui plus accès aux magasins, fermés dans le contexte du confinement, le secteur non alimentaire est fortement impacté par la crise. Le report des achats vers des canaux digitaux s’est fait de manière très hétérogène selon les segments. L’enjeu à moyen terme pour les acteurs du secteur est donc de trouver une solution pour résoudre les problèmes de trésorerie imminents et répondre à un enjeu d’image, nécessaire pour maintenir la relation avec les clients. Le scénario « New Normal » à prévoir reste incertain : la déconsommation choisie, déjà̀ amorcée ces dernières années, pourrait s’accentuer : le retour à des niveaux de consommation comparables au contexte pré-crise pourrait prendre jusqu’à un an. Le patriotisme dans les achats pourrait aussi se renforcer. Enfin, la culture de service devrait s’accentuer pour s’aligner avec les nouvelles attentes des consommateurs : proximité́, livraison, ultrapersonnalisation de l’expérience client...

• Le secteur du tourisme

Le secteur, qui représente 7 à 8% du PIB français, est mis à l’arrêt par la crise actuelle. Un immobilisme total pendant 2 à 3 mois représenterait ainsi entre 30 et 40 milliards d’euros de pertes, et pourrait entrainer une baisse de 40% du chiffre d’affaire 2020. La reprise sera fortement conditionnée à la confiance des ménages. Pour cet été, il est probable que l’incertitude actuelle les mène à allouer un budget plus faible qu’habituellement à leurs vacances et que les séjours soient plus courts et plus locaux. Le scénario « New Normal » ne verra le jour qu’en 2021 ou 2022 et fera place à un secteur structurellement différent. Une consolidation des acteurs du secteur pourrait permettre de maintenir les équilibres financiers. Enfin, les professionnels devront adapter leurs pratiques pour prendre en compte les considérations sanitaires et environnementales.

• Le secteur du transport aérien

Le secteur est également complètement à l’arrêt, alors qu’il représente 5% du PIB français. Les besoins de financement sont tels que l’intervention de l’État est nécessaire à très court terme. A moyen terme, il est fort probable qu’une vague de consolidations déferle sur les acteurs de l’industrie en Europe, voire de nationalisations pour sauver les fleurons nationaux. Ce scénario « New Normal » s’accompagnera d’un changement des comportements sur les segments « tourisme » et « affaires ». Le premier mettra du temps à se remettre en route (perte de pouvoir d’achat et de confiance des voyageurs) ; quant à celui des affaires, il sera impacté par la remise en question de certains déplacements par les entreprises, qui auront expérimenté́ le télétravail et la vidéo conférence lors du confinement. Ces nouvelles politiques de « non mobilité́ » pourraient, sur le long terme, impacter de manière significative les recettes du secteur.

• Le secteur de l’automobile et de la mobilité

A court et moyen terme, le secteur (5% du PIB français) est largement touché par la crise. La chute des ventes sur les véhicules neufs devrait se poursuivre après la levée du confinement, ce type d’achat étant généralement repoussé par les consommateurs en période d’incertitude. Les recettes liées à la maintenance des véhicules seront également impactées, puisque que le confinement provoque un arrêt quasi total de la circulation. Le scénario « New Normal » du secteur à plus long terme dépendra des décisions prises sur les quotas d’émissions de CO2 au niveau européen lors des prochaines semaines. S’ils sont maintenus, un besoin fort de développement de voitures électriques sera requis pour les constructeurs et les fonds ne sont plus disponibles. S’ils sont rehaussés, les constructeurs garderont la possibilité́ de se concentrer sur le développement et la vente de véhicules thermiques, moins coûteux, ce qui permettrait de relancer le secteur. Les constructeurs devraient également s’orienter vers des modèles de leasing, pour répondre aux difficultés de financement des particuliers mais aussi pour exploiter la durée de vie du véhicule jusqu’au bout. Un nouveau mix sera également probable sur les routes françaises avec l’arrivée des véhicules chinois.

• Le secteur de la banque et assurance

À court terme, les enjeux des banques et assurances sont principalement organisationnels, essentiels pour assurer la continuité́ des activités, le cœur de métier restant relativement peu impacté. Les acteurs du secteur sont confrontés, en interne, à la mise en place du télétravail pour un grand nombre d’employés et, en externe, à l’accélération de la digitalisation de certains process. A moyen terme, ils devront anticiper les conséquences de la crise sur leurs clients, notamment en matière de crédit. Dans le scénario « New Normal », les banques et assurances seront amenées à repenser la nature même de leur métier et de leur rôle dans la société́. Au-delà du développement de produits dédiés aux catastrophes sanitaires, elles devront se réorienter vers des métiers de prévention et de pédagogie pour aider leurs clients à mieux anticiper et faire face à des nouveaux types de risques comme le terrorisme sanitaire ou les cybers attaques.