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Les SERM, comment avancer ?

Les SERM, comment avancer ?

4 novembre 2024

De la labellisation de projets à un véritable programme national

Le ministère des Transports a labellisé 24 projets de SERM (Services
Express Régionaux Métropolitains) juste avant la pause politique de
l'été. Répondant à une attente d'accès abordable à une mobilité du
quotidien décarbonée, ces projets transpartisans méritent d'être
poursuivis. Mais dans un contexte de contraintes de financement
très fortes, il faudra établir des priorités sur la base de critères clairs
et être irréprochables sur la tenue des délais et des coûts.
Nous identifions trois éléments pouvant servir de boussole : en
premier lieu, concevoir des projets de service mettant l’usager au
centre. Ensuite, organiser les SERM comme un véritable programme
national regroupant des projets locaux pour sécuriser les
financements, la méthode et le pilotage, et enfin disposer d'une
vision long terme pour garantir la disponibilité des ressources.

Des projets de service avant tout

24 projets ont été labellisés "SERM" par le ministère des Transports, dont certains, à l’instar de celui de Bordeaux Métropole, sont déjà bien avancés.
L’ensemble des régions françaises seront ainsi concernées et nos mobilités devraient en être transformées, accélérées et simplifiées au quotidien.

C’est en effet l’enjeu des SERM : accélérer nos déplacements et les rendre plus accessibles, en proposant au plus grand nombre une offre de mobilité quotidienne (accès aux lieux de travail, aux services d’éducation, de santé…) décarbonée et abordable. Le caractère transpartisan de ces projets et leur capacité à désenclaver des zones géographiques (certains parlent de mobilités "empêchées") leur donnent une résonance particulière dans le contexte actuel.

Initialement pensés comme des projets d’infrastructure, la loi SERM change le paradigme de conception de ces projets pour qu'ils deviennent plus largement des services de mobilité. Dans un contexte de financement très contraint, il convient de raisonner en "multimodal" sans opposer les modes : du ferroviaire de manière ciblée (surtout quand l’investissement dans l’infrastructure peut bénéficier à d’autres types de trafic comme le fret), mais aussi les cars express là où ils peuvent être pertinents, les bus et les mobilités douces… Avec une constante : la prise en compte de l’intermodalité (parkings, coordination des horaires, aménagement des pôles d’échange, billettique, information voyageur…) comme condition d’un véritable report modal apportant parfois une solution complémentaire plus adaptée aux besoins de la population et aux contraintes du territoire en termes d’infrastructures et de finances.

Enjeux-clés

Analyser l’ensemble des impacts des projets dès la conception (report modal et induction, facilité d'exploitation, développement économique induit...) pour faire concevoir les solutions optimisant au mieux les critères sociaux, économiques et environnementaux.

Raisonner en bassins de mobilités, en ne se limitant pas simplement aux flux centre–périphérie, pour "rapprocher" des pôles couverts à ce jour par l’autosolisme (ex. aéroports, zones d’activités…) et utilisant des modèles innovants intégrant les flux actuels et futurs.

Communiquer largement sur les SERM, leurs enjeux et leurs bénéfices et faire preuve de pédagogie en impliquant de manière systématique les populations dans la conception des projets, via par exemple des concertations citoyennes.

Un besoin d'organiser les SERM comme un véritable programme national pour sécuriser financement, méthode et pilotage

La multiplicité des acteurs impliqués : l’Etat, les Régions, les Métropoles, la SGP, la SNCF, les prestataires, sans oublier, bien sûr, les citoyens / usagers / contribuables est un facteur de complexité important pour la conception et la mise en œuvre des SERM au-delà des dimensions technique, économique et environnementale.

Pour cela, la loi relative aux SERM a fait le choix de la flexibilité. Elle laisse ouverte de nombreuses possibilités, que ce soit en matière d’instruction des projets de SERM, d’organisation et de gouvernance des projets au niveau local ou de contenu programmatique. Si cette flexibilité a été à ce stade un facteur important pour inciter les acteurs à s’engager, la prochaine étape devra resserrer le champ des possibles autour d’une feuille de route concrète pour sécuriser le volet opérationnel et le volet financier.

Le volet opérationnel consiste à concevoir des projets permettant de sécuriser la mise en œuvre (travaux etc.) et l’exploitation future en réponse aux objectifs fixés.
En effet, les SERM sont des projets multimodaux, cumulant la construction de nouvelles infrastructures mais aussi la réhabilitation et la réutilisation d’existantes, sur des horizons de temps longs, en intervenant sur des réseaux déjà exploités. Par ailleurs, de très nombreux intervenants, aux compétences et expertises complémentaires, seront à coordonner, sur un ensemble de territoires, chacun disposant de son identité et de ses contraintes.

Le volet financier : si l’Etat s’est, dans un premier temps, engagé, au titre des Contrats de Plan Etat-Région, à financer les SERM à hauteur de 800 millions d’euros, cette somme est loin d’être suffisante pour financer l’ensemble des projets et assurer leur livraison, le coût global étant estimé entre 15 et 20 milliards d’euros par le Conseil d’Orientation des Investissements pour les seuls 13 projets de la première vague de labellisation.

Il s’agira donc, tant pour l’Etat que pour les collectivités, de trouver les modèles et moyens de financer le reste à charge : taxes sur le transport aérien ou sur les autoroutes, sur l’immobilier, l’augmentation du versement mobilités… Ce (ou ces) modèle(s) de financement des projets mais aussi de l’exploitation encore à trouver devront se refléter dans la gouvernance des projets, tant au niveau local que national (avec un besoin possible de péréquation des recettes). Autant de sujets pour la conférence de financement prévue par la loi mais qui reste à organiser.

Enjeux-clés

Au-delà de l'accès au financement, faire de la labellisation un outil pour inclure des exigences en termes de méthode, d'organisation et garantir une cohérence d'ensemble en matière d'objectifs et de nature des projets.

Clarifier la stratégie de financement pour l’ensemble des parties prenantes, fixant le (ou les) modèle(s) de financement des projets et de l'exploitation : contributions des potentiels financeurs (Etat, collectivités locales, SGP, Banques des territoires, employeurs...) et des éventuels besoins de péréquation pour réaffecter les recettes provenant de nouvelles taxes.

Une planification nécessaire pour s’assurer de la disponibilité des ressources

Les projets de SERM sont tous à un stade de maturité différent. Celui de Bordeaux, par exemple, est en voie d’achèvement, ceux de Strasbourg et Lille en cours de lancement tandis que d’autres sont au stade de conception, voire d’émergence. La loi confère un rôle majeur à la Société des Grands Projets pour permettre à ces projets d’être livrés, aux côtés de la SNCF et, bien sûr, des collectivités territoriales.

Mais au-delà de ces "têtes de pont", une multiplicité d’acteurs seront mis à contribution : bureaux d’études, constructeurs, fournisseurs d’équipements, de matériels… Si la démarche SERM s’avère être un succès, avec plus de territoires déclarés intéressés que ce qui a été initialement envisagé, la question de la disponibilité des moyens pourrait devenir cruciale.

Certaines compétences requises par les projets sont relativement rares et déjà sous tension (cimentiers, construction mécanique, chargés d’étude, conducteurs de travaux mais aussi experts IT). La libération de ressources mobilisées aujourd’hui sur le chantier du Grand Paris Express permettra sans doute de diminuer légèrement cette tension, mais elle ne saura, à elle seule, assurer la disponibilité des compétences et expertises requises au bon moment et au bon endroit pour délivrer les SERM.

On comprend dès lors que même si les projets sont d’essence locale, une visibilité au niveau national, à une échelle filière, semble nécessaire.

Enjeu-clé

Définir une trajectoire commune pluri-annuelle, entre donneurs d’ordres, industriels, prestataires, pour le déploiement des SERM, pouvant appuyer une logique d’engagements réciproques : la disponibilité des ressources ne pourra être garantie qu’en échange d’une visibilité affirmée sur le carnet de commandes.

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Des projets de transport régionaux à structurer et à financer

Published novembre 2024. Available in
Portrait of Alain Chagnaud
Associé sénior
Paris Office, Western Europe
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