Alors que la pression logistique se normalise depuis la mi-2022 et que le rapport de force entre chargeurs et transporteurs s’inverse, de nombreux défis se dressent face aux transitaires pour les années à venir.
Réinventer le transport routier de marchandises
Quelles réponses aux défis opérationnels et stratégiques d'aujourd'hui et de demain ?
Le transport routier de marchandises, secteur crucial de l’économie, fait face à une série de défis majeurs. De l’inflation à la pénurie de chauffeurs, en passant par l’impératif de verdissement, les acteurs doivent se réinventer pour survivre et apportent trois réponses à ces défis : professionnalisation, innovation et consolidation.
Le transport routier et la logistique contractuelle sont des secteurs clés de l'économie, jouant un rôle essentiel de pivot du commerce intérieur et transfrontalier européen. Avec une croissance historique de +6% par an – stimulée par un effet prix de +3% – ce marché représente plus de 1 700 milliards d'euros - avec l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, l'Italie et l'Espagne en tête. En France - 3ème marché en valeur d'Europe - ce secteur représente environ 10% du PIB, soit 220 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et génère plus de 1,8 million d'emplois (6% de la population active).
Des défis à court et moyen-terme
La hausse des coûts met la rentabilité des acteurs à l’épreuve
Malgré ces chiffres impressionnants, le secteur du transport routier et de la logistique contractuelle est confronté à de nombreux défis opérationnels et stratégiques. La hausse des coûts constitue l'un d'entre eux. En 2022, le secteur a connu une augmentation sans précédent des coûts de personnel, des coûts variables opérationnels (tels que le carburant, les pièces détachées et les pneumatiques), ainsi que des coûts de revient des poids lourds (coûts kilométriques directs et coûts fixes). Les salaires des chauffeurs ont été revalorisés à plusieurs reprises du fait de la tension sur le marché de l'emploi, et l'augmentation de la consommation de carburant, contribuant à cette hausse. De même, les coûts liés aux matières premières, à la maintenance, aux réparations et à l'assurance ont également augmenté de manière significative.
Au global, les coûts du secteur du transport routier de marchandises ont connu un augmentation importante, de +19% entre 2021 et 2022. A mi-2023, une tendance similaire est déjà observée, avec une prévision d'augmentation des coûts hors carburant de +9%.
Pénurie de chauffeurs : un phénomène de fond
Outre cette inflation des coûts, le secteur est confronté à un problème opérationnel de taille : la pénurie de chauffeurs à l'échelle européenne. Environ 2,6 millions de postes de conducteurs de poids lourds sont restés non pourvus en 2021, dont 50 000 en France. Le vieillissement de la population des conducteurs et la concurrence liée à la libéralisation des marchés de l'UE contribuent à cette pénurie. Des réglementations sur le cabotage sont en développement pour protéger les travailleurs nationaux et limiter les effets de cette concurrence.
Parallèlement, le secteur doit également faire face à l'impératif de verdissement. À l'horizon 2050, une étude Roland Berger estime que plus de 40% de la flotte de poids lourds en France pourrait être électrique. Or la transition vers une flotte plus respectueuse de l'environnement nécessite des investissements importants, en véhicule comme en infrastructure adaptée pour la recharge des poids lourds électriques :
- un tracteur électrique coûte en moyenne 4 fois plus cher qu’un véhicule thermique dernière génération à l’achat, ce qui représente un défi financier pour les acteurs du secteur, notamment ceux de petite taille
- l'infrastructure capable de répondre aux besoins de recharge de cette nouvelle flotte électrique en est à ses prémices
D’ailleurs, des acteurs sont déjà positionnés sur ce segment, comme le français Proviridis, ou encore l’alliance Volvo Group, Daimler Trucks et Traton.
Des stratégies d’adaptation et d’innovation dans le secteur du transport routier
Le rôle clé de la digitalisation dans l’optimisation des opérations
Le transport routier de marchandises bénéficie aujourd’hui d’une forte innovation et d’investissements dans la digitalisation. Ces avancées permettent aux transporteurs d’optimiser leurs opérations et d’offrir davantage de services à leurs clients chargeurs. La digitalisation facilite également la gestion logistique, notamment la gestion des factures et des notes de frais, et favorise la collaboration entre les acteurs de la chaine grâce à des solutions basées sur l’IA, telles que Upply. La digitalisation joue un rôle clé dans l’optimisation des performances et le développement de l’offre dans le secteur.
L’intensification de la consolidation et la prime à la taille
Le marché du transport routier de marchandises connait une consolidation croissante, comme en témoignent plus de 180 opérations de fusion-acquisition réalisées entre 2014 et 2019. Ces acquisitions illustrent les efforts des entreprises du secteur pour renforcer leurs positions et étendre leur présence sur des marchés clés. Ces stratégies de consolidation génèrent des économies d’échelle importantes, qui du fait d'une prime à la taille entraine des écarts de rentabilité entre mastodontes du secteur et plus petits acteurs.
Parmi les avantages on compte notamment :
- une couverture clients et géographique plus large - minimisant les trajets à vide
- un pouvoir de négociation vis-à-vis des clients
- une capacité d’achat d’affrètement plus importante
- une réduction des coûts centraux
- des capacités d’investissement dans l’outil industriel et la technologie
Chez Roland Berger, nous affrontons ensemble avec les acteurs du secteur du transport routier et de la logistique contractuelle tous ces défis. Forts de notre expertise, nous sommes en mesure d'accompagner le secteur de manière holistique : que ce soit dans le domaine des opérations de fusion-acquisition, de la stratégie d'entreprise, de l'amélioration de la performance opérationnelle ou de la transition écologique, nos équipes d'experts en France et à l'étranger sont là pour soutenir la filière.
Les auteurs remercient Alexis Deveza pour sa contribution.